
8,88 millions d’euros. Voilà ce que pèse, en 2023, la rémunération totale de Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric. Ce chiffre, vertigineux, représente près de 280 fois le salaire médian de l’entreprise. Malgré des règles renforcées depuis la loi Sapin 2, les conseils d’administration des grands groupes français gardent la main sur les paquets de leurs dirigeants, modulant primes et actions avec une liberté qui dérange.
L’écart de rémunération dans le CAC 40 alimente toujours la polémique. Les mécanismes d’optimisation fiscale, eux, restent opaques. Et quand on cherche à connaître précisément le détail des montants et avantages perçus, il faut souvent se contenter d’informations incomplètes. Le sujet, loin de s’essouffler, reste sous les projecteurs.
Plan de l'article
- Combien gagne vraiment Jean-Pascal Tricoire ? Décryptage d’une rémunération hors norme
- Salaires des PDG du CAC 40 : où se situe le patron de Schneider Electric ?
- Optimisation fiscale et stratégies internationales : comment les grands patrons échappent à l’impôt français
- Inégalités salariales et fiscalité : ce que révèlent les pratiques des dirigeants du CAC 40
Combien gagne vraiment Jean-Pascal Tricoire ? Décryptage d’une rémunération hors norme
À la barre de Schneider Electric depuis 2006 en tant que directeur général, puis PDG dès 2013, Jean-Pascal Tricoire fait figure de poids lourd parmi les patrons du CAC 40. Chaque année, sa rémunération atteint près de 6 millions d’euros, hors enveloppe d’actions gratuites de performance. Le conseil d’administration se réunit pour fixer des objectifs, jonglant entre attractivité et mesure. En 2022, par exemple, il a réduit le nombre d’actions attribuées afin de tempérer la montée continue des gratifications.
Le système va bien au-delà du simple salaire fixe et variable. Depuis près de vingt ans, Tricoire se voit octroyer entre 45 000 et 60 000 actions gratuites par an. En 2021, le compteur affichait 60 000 titres, pour une valorisation dépassant dix millions d’euros. L’année suivante, il a reçu 37 903 actions supplémentaires. Ce mécanisme, directement lié à la performance économique et opérationnelle de Schneider Electric, lui a permis d’accumuler près de 800 000 actions à date, soit une fortune de l’ordre de 100 millions d’euros.
Voici quelques éléments marquants concernant la gestion de ce pactole et l’écart salarial qui continue d’alimenter le débat :
- En mars 2023, Jean-Pascal Tricoire a vendu 17 000 actions au prix unitaire de 151,83 euros.
- Le ratio entre sa rémunération et le salaire moyen chez Schneider Electric s’établit à 1 à 100, un chiffre qui exaspère syndicats et associations.
La part variable de sa rémunération dépend strictement de la performance boursière et opérationnelle du groupe, illustrant une politique d’alignement entre intérêts de la direction et ceux des actionnaires. Ce modèle, revendiqué par Schneider Electric, s’ancre dans la mondialisation de l’entreprise et la valorisation du résultat sur la durée.
Salaires des PDG du CAC 40 : où se situe le patron de Schneider Electric ?
Le palmarès des rémunérations des dirigeants du CAC 40 ne cesse de surprendre par ses écarts. Avec ses 6 millions d’euros annuels, Jean-Pascal Tricoire s’impose dans le groupe de tête. À titre comparatif, Patrick Pouyanné (TotalEnergies) perçoit 5,8 millions d’euros. Plus bas, Bernard Charlès (Dassault Systèmes) encaisse 4,5 millions d’euros. Chez les groupes publics, la différence saute aux yeux : Christel Heydemann (Orange) se situe à 1,5 million d’euros, Luc Rémont (EDF) à 1,2 million d’euros.
Pour donner un aperçu chiffré de ces écarts, voici quelques rémunérations de référence :
- Jean-Pascal Tricoire : 6 M€
- Patrick Pouyanné : 5,8 M€
- Bernard Charlès : 4,5 M€
- Christel Heydemann : 1,5 M€
- Luc Rémont : 1,2 M€
Le PDG de Schneider Electric se distingue ainsi de la majorité de ses pairs, principalement grâce à la part d’actions gratuites dont la valeur s’envole avec la santé boursière du groupe. Cette pratique, peu courante ailleurs dans le CAC 40, accentue l’originalité de sa rémunération. La hausse des marchés et la politique d’intéressement renforcent cette dynamique.
L’écart de rémunération avec le salaire moyen, un ratio de 1 à 100 chez Schneider Electric, relance le débat sur la justification de tels niveaux. Tandis que syndicats et observateurs dénoncent la concentration croissante des richesses au sommet, la direction met en avant la compétitivité internationale et l’exigence de résultats à l’échelle globale.
Optimisation fiscale et stratégies internationales : comment les grands patrons échappent à l’impôt français
Le statut fiscal de Jean-Pascal Tricoire interpelle : domicilié à Hong Kong, il échappe en grande partie à l’impôt progressif sur le revenu français. L’essentiel de sa rémunération passe par une juridiction dont la fiscalité sur les hauts revenus est nettement plus avantageuse. Seule une part, estimée entre 15 % et 30 %, relève de l’administration fiscale française.
Cette organisation n’a rien d’exceptionnel parmi les dirigeants du CAC 40. Elle s’inscrit dans une stratégie de mobilité internationale devenue la norme : montage contractuel éclaté, mandats sur plusieurs continents, part variable indexée sur la performance globale, droits sociaux réduits au strict minimum. Tricoire cumule la présidence de Schneider Electric en Asie-Pacifique et aux États-Unis, ce que le groupe invoque pour justifier sa résidence hors de France.
La critique s’amplifie : peut-on accepter qu’un patron de multinationale, dont la quasi-totalité de la fortune a été bâtie au sein d’une entreprise française cotée, se soustraie ainsi à la solidarité fiscale ? Les détracteurs dénoncent une optimisation légale, mais difficile à défendre au nom de la cohésion sociale. À ce rythme, ce sont des millions qui échappent à l’effort collectif, sans jamais enfreindre la loi. Pour les observateurs, c’est une double peine : écart salarial maximal, contribution fiscale minimale.
Inégalités salariales et fiscalité : ce que révèlent les pratiques des dirigeants du CAC 40
La rémunération de Jean-Pascal Tricoire, sous le prisme des inégalités salariales, concentre les crispations. À la tête de Schneider Electric, il incarne cette génération de dirigeants dont les émoluments, dopés par la performance boursière et le variable indexé sur les résultats, dépassent le salaire moyen de l’entreprise d’un facteur 100. Ce ratio, mis en lumière par Proxinvest, nourrit la défiance et interroge la légitimité de ces pratiques, surtout dans un contexte de suppressions de postes et de mobilité accrue qui fragilise les collectifs de travail.
Du côté des syndicats, FO en tête, la critique est frontale : l’alignement systématique des intérêts entre dirigeants et actionnaires se fait, selon eux, au détriment des salariés. Les ONG dénoncent la dilution de la responsabilité fiscale. À chaque nouvelle attribution généreuse d’actions gratuites, 45 000 à 60 000 par an pour Tricoire, valorisées à plusieurs millions d’euros, la controverse enfle. Les actionnaires de référence, Sun Life Financial et BlackRock, soutiennent sans réserve la direction, estimant que la réussite internationale du groupe légitime ces pratiques exceptionnelles.
La direction, quant à elle, invoque la nécessité de fidéliser ses dirigeants face à la concurrence mondiale. Les opposants rétorquent que la limite socialement tolérable en matière de rémunération a été largement dépassée, signe d’une dérive généralisée des standards dans les entreprises cotées françaises. Les discussions sur la fiscalité et la redistribution des richesses s’intensifient, et le sujet déborde désormais largement le cercle des initiés.
Dans le sillage de ces révélations, la question demeure : jusqu’où l’écart de rémunération sera-t-il accepté dans notre société ? La réponse, elle, n’a rien d’évident, et promet d’alimenter encore longtemps le débat public.




























































